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Une plongée au Quai d’Orsay, Ministère des Affaires étrangères

[Chronique en différé] C’est d’un ouvrage sorti en 2016 dont j’ai eu envie de vous parler aujourd’hui. Il s’agit de La Face cachée du Quai d’Orsay écrit par Vincent Jauvert. Une enquête fascinante sur ce haut lieu de la diplomatie française.

Le livre est sorti il y a près de 10 ans mais dans ce contexte international chamboulé, j’ai souhaité vous partager une enquête réalisée par le journaliste Vincent Jauvert. Son ouvrage La Face cachée du Quai d’Orsay. Enquête sur un ministère à la dérive (Robert Laffont) nous permet d’arpenter les couloirs de ce Ministère des Affaires étrangères installé à cette adresse depuis la moitié du XIXe siècle. En parcourant les pages, l’auteur nous dévoile aussi le travail et la manière de le faire des ministres qui se sont succédé sans oublier le quotidien des ambassadeurs.

Près de 25 Ministres des affaires étrangères sous la Ve République

Vincent Jauvert s’est appuyé sur les témoignages d’une centaine de diplomates qui étaient en activité ou à la retraite. Ce travail s’est déroulé au moment où Laurent Fabius occupait les lieux en tant que Ministre des Affaires étrangères. A lire 10 ans après avec un peu de recul donc où désormais le nombre de Ministre des Affaires étrangères s’élève à environ 25. Seulement deux femmes ont accédé à cette fonction : Michèle Alliot-Marie et Catherine Colonna.

On croise dans ce livre, Dominique de Villepin, Hubert Védrine, Philippe Douste-Blazy ou encore Bernard Kouchner. Dans son enquête, le journaliste révèle que trois ministres du XXIe siècle ont eu des « bourdes à répétition ». Parmi les exemples cités, confondre deux pays, être un « ministre à contretemps » ou enchaîner les maladresses faisant « soupirer les diplomates » Les relations avec le Président de la République et les nominations sont aussi abordées, entre tensions et désintérêt parfois.

Des révélations sur le quotidien d’ ambassadeurs

C’est aussi l’occasion de voir de plus près le travail des ambassadeurs, de leurs équipes. Secrets, anecdotes, scandales, logements, rémunérations sont évoqués. Vincent Jauvert se penche aussi sur une « poignée de diplomates » se retrouvant régulièrement près du Quai d’Orsay, des énarques à l’« influence bureaucratique » fluctuante. 

Tous les ministres « de Juppé en 1993 à Fabius en 2015 » ont souhaité redynamisé le Quai D’Orsay avec chacun une grande réforme. On referme ce livre sous le quinquennat de François Hollande. Plusieurs années se sont écoulées, même si l’enquête n’est pas sortie récemment, elle reste une manière de plonger dans les coulisses de ce lieu de pouvoir !

La Face cachée du quai d’Orsay, Vincent Jaubert, Robert Laffont

A lire également : Un essai passionnant sur la notion de « présidentiable »

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Chroniques Essais

Un essai passionnant sur la notion de « présidentiable »

Dans Présidentiable ?, Christian Le Bart professeur de sciences politiques livre un éclairage passionnant sur cette notion. Une condition qui prend de multiples dimensions.

Spécialiste des sciences politiques, Christian Le Bart enseigne à Sciences Po Rennes. Son livre Présidentiable ? (PUR) a été publié récemment. Il n’est pas rare d’entendre des personnalités politiques considérées « présidentiables » et d’autres non. Mais alors, comment cette caractéristique est-elle attribuée ? L’auteur y apporte une réponse avec une analyse pointue. 

Le poids d’un trio 

Au travers d’une approche sociohistorique, Christian Le Bart montre une évolution depuis le début de la Ve République. Trois acteurs jouent un rôle de premier plan.

Les partis politiques d’abord. Aujourd’hui, les primaires ont changé la donne en chamboulant « Le leadership présidentiel » obtenu après le « leadership partisan ». Un choix de candidat s’effectuant avec l’opinion publique mais laissant des interrogations par la suite sur la présidentiabilité.

Les élus locaux s’imposent toujours comme incontournables. Par le système des parrainages, 500 signatures sont nécessaires afin de pouvoir se présenter à l’élection présidentielle. Et qui les octroient ? Les élus locaux et en majorité les maires.

Des « verdicts de présidentiabilité » comme Christian Le Bart les appelle sont partagés par les médias. Des journalistes et experts emploient sur les plateaux et dans les articles les termes « présidentiable » ou « présidentiabilité » en s’appuyant notamment sur des sondages. 

Une double dimension : institutionnelle et symbolique

Le second chapitre est axé sur les critères de sélection. Alors que le Président incarne et gouverne, ce qui entraîne une « centralité » de la figure présidentielle, les attentes sont jugées par Christian Le Bart comme étant « la quadrature du cercle ». Plusieurs caractéristiques sont  obligatoires. Ce ne sont pas seulement des conditions juridiques comme l’âge. Cela passe aussi par une manière plus subtile de commenter par des adjectifs choisis accordant ou non ce label. Les candidats pratiquant aussi « l’auto-présidentialisation ». 

Verticalité, horizontalité, proximité, charisme, ancrage territorial, surplomb, des critères parfois franchement paradoxaux. Une notion qui met également en avant une inégalité hommes/femmes. Christian Le Bart souligne qu’elles sont davantage considérées comme moins qualifiées pour cette fonction avec des critiques des commentateurs, des adversaires et même des membres de leur propre parti. Les « professionnels de la politique » étant aussi plus à même d’être « labellisés » plutôt qu’une personnalité venant de l’extérieur.

Un court essai précis nous aidant à y voir plus clair  !

Présidentiable ?, Christian Le Bart, Presses Universitaires de Rennes, 10 €

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A lire également  : Bande dessinée sur le travail de demain vue par 13 personnalités 

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Bande dessinée sur le travail de demain vu par 13 personnalités

Une bande dessinée réunit 13 personnalités sur la question du futur du travail.

C’est le premier Mai, jour de la Fête du Travail. Pour cette date, je vous ai déniché une bande dessinée thématique. Elle vient de sortir en avril et rassemble des personnalités dont les points de vue sont partagés avec comme fil conducteur l’exposé d’une élève. Son titre ? Travailler demain, le futur du travail vu par 13 personnalités.

Pourquoi, le 1er mai est-il le seul jour férié obligatoirement chômé ?

Avant de plonger dans la BD, petit point historique. Que célèbre-t-on aujourd’hui ? Ce jour férié est lié à 1884 année de l’appel des syndicats ouvriers américains revendiquant la journée de 8 heures. Au moment du centenaire de la Révolution française, le 1er mai devient une journée de manifestations avec une première célébration en 1890. Les 8 heures seront votées en France au Parlement en 1919 et le 1er mai deviendra chômé. Pendant la Seconde guerre Mondiale le régime de Vichy la transforme en Fête du Travail et de la Concorde Sociale, elle sera supprimée à La Libération. En 1946, ce jour férié revient, il est le seul obligatoirement chômé et payé. 

Quand une ancienne Ministre du travail imagine une BD

L’ancienne Ministre du travail Muriel Pénicaud signe ce roman graphique avec le journaliste Mathieu Charrier et le dessinateur Nicoby. Ils ont souhaité aborder le travail de demain avec une pointe d’humour et ont convié 13 personnalités que l’on retrouve en tant que protagonistes. Des acteurs économiques comme Sophie Bellon PDG de Sodexo, Benoit Bazin PDG de Saint-Gobain et Pascal Demurger DG de la Maif. Des figures syndicales : Philippe Martinez ancien Secrétaire de la CGT, Ron Oswald ancien Secrétaire général de l’UITA et Marylise Léon actuelle Secrétaire générale de la CFDT. 

Dans cette BD également, Christine Lagarde Présidente de la Banque Centrale Européenne, Isabelle Rome Ancienne Ministre à l’Egalité Femmes-Hommes. Et aussi, Thierry Marx chef étoilé et Président de l’UMIH, Aurélie Jean scientifique en algorithmique, Rachel Khan auteure et comédienne, Jasmine Manet Co-fondatrice et DG de Youth Forever ainsi que Moussa Camara Fondateur et Président de Les Déterminés. 

Soraya, personnage central

Pour parler du travail de demain, les auteurs et illustrateurs ont donné vie à une lycéenne prénommée Soraya. Elle doit réaliser un exposé sur le futur du travail. Elle se rend au pot de départ de sa grand-mère Directrice des Ressources Humaines dans une entreprise spécialisée dans les parapluies. L’occasion parfaite pour glaner des informations. Elle y croise les 13 protagonistes qui évoquent l’intelligence artificielle, l’égalité femmes/hommes, la place des syndicats, les attentes des jeunes et salariés, la formation et la manière de concilier productivité, transition écologique et responsabilité sociale.

Un bouquet de perceptions sur le travail en plus d’un brin de muguet !

Travailler demain, le futur du travail vu par 13 personnalités, Muriel Pénicaud, Mathieu Charrier, Nicoby, Glénat, 23 €

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Chroniques Romans

Gilles Boyer : Matignon par le regard d’un Maître d’hôtel

Gilles Boyer connaît bien l’Hôtel de Matignon où il a été conseiller d’Édouard Philippe de 2017 à 2019. Député Européen, il est aussi auteur et a publié plusieurs ouvrages dont Dans l’ombre écrit avec l’ancien Premier Ministre, un livre adapté récemment en série diffusée sur France TV. Il a signé en 2019 Le maître d’hôtel de Matignon.

Un mélange subtil de fiction et de réalité

Son point de départ est sa rencontre avec Claude, Maître d’Hôtel de Matignon. À l’approche de la retraite il s’est confié sur son expérience et ses rencontres auprès de Gilles Boyer. L’auteur a conservé son prénom mais modifié son nom et écrit un roman axé sur ce personnage ayant connu 13 Premiers Ministres. «  Le récit que je fais de sa vie est très librement inspiré de la sienne. Merci à lui d’avoir pris le temps de me la raconter » souligne l’écrivain dès les premières pages.

La réalité et l’imagination car le second protagoniste Thomas n’existe pas…enfin il s’agit d’un conseiller novice du chef de gouvernement donc son travail est bien connu de Gilles Boyer. Thomas a foulé enfant la pelouse de cet hôtel particulier situé rue de Varenne, lieu de travail de son père, conseiller. Quelques années plus tard, c’est lui qui se retrouve embarqué dans ce rythme effréné.

Une ruche derrière le célèbre perron

À chaque passation de pouvoir, on a l’habitude de voir la cour, les micros et le célèbre escalier de Matignon. En revanche, que s’y passe-t-il ? Ce roman nous permet de ressentir l’atmosphère et c’est une véritable ruche qui se cache derrière les portes. Un ballet de personnages offre une chorégraphie hiérarchisée autour du Premier Ministre. 

Intendant, Premier Maître d’hôtel , maîtres d’hôtel, chefs de rang, Directeur de cabinet, conseillers entrent chaque jour dans la danse. Chacun a un rôle précis à jouer.

S’approcher des Premiers Ministres

Tout au long du roman, par l’expérience de Claude et l’entrée de Thomas, on accède à une visite teintée d’intrigues et de secrets. La fameuse plantation d’arbre de chaque célèbre locataire est décrite. On découvre aussi que Claude observe l’histoire politique en arrière-plan tout en étant une personnalité centrale de ce lieu de pouvoir. Plusieurs Premiers Ministres se retrouvent au fil des pages comme Rocard, Cresson ou Balladur.

Outre ses fonctions attendues, il s’occupe aussi des proches du Premier Ministre surnommé dans ce roman le «  Pacha » comme le capitaine d’un grand bateau, en écho au passage dans la Marine de Claude.  Une fonction assurée dans la discrétion et millimétrée que l’on a plaisir à découvrir au travers de ce livre.

Le Maître d’Hôtel de Matignon, Gilles Boyer, J-C Lattès

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A lire également : Pour Clément Beaune, la politique reste « belle »

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Pour Clément Beaune la politique reste « belle »

Clément Beaune désormais Haut-Commissaire au Plan a publié en février dernier Je dirai malgré tout que la politique est belle chez Stock. L’ancien Ministre se confie sur son parcours de l’Elysée aux Ministères et s’appuie sur son expérience afin de proposer des pistes pour l’avenir.

La politique dès l’enfance

Clément Beaune se livre sur la place de la politique dans sa vie et revient sur le moment où il a fait le « grand saut ». Enarque, il a d’abord fait partie des conseillers d’Emmanuel Macron au Ministère de l’Economie puis a participé à la campagne présidentielle. Il a ensuite été nommé conseiller spécial à l’Elysée sur l’Europe.

La politique a toujours été un sujet de discussion pendant les repas de famille durant son enfance. Et l’envie de jouer un rôle de premier plan s’est accentuée au fil des années. Après quelques déconvenues, Emmanuel Macron lui lance « Tu veux toujours faire de la politique ? ». Il fait alors son entrée au gouvernement en tant que Ministre délégué chargé de l’Europe puis il deviendra plus tard Ministre des transports. 

Une impression d’avoir « vécu en double »

Sa sortie du gouvernement correspond à son opposition à la Loi immigration. Il se rémémore cet épisode et donne les coulisses de son départ entre rumeurs et hésitations. En étant Ministre, Clément Beaune confie avoir eu l’impression « d’avoir vécu en double, d’avoir appris en triple » pendant ces 43 mois. Autre épisode marquant, la dissolution, il explique avoir été informé…en direct sur un plateau TV. Cette décision a selon lui conduit à une « immaturité politique généralisée ».

Sur sa vision de la politique, il argue qu’elle « est sale car changer un monde sale implique de se salir et belle parce qu’elle accepte de décrasser le monde sans nier sa noirceur ».

« La maladie présidentielle »

Depuis la Villa Médicis à Rome où il a écrit son livre, Clément Beaune s’est penché sur ce qu’il appelle « la maladie présidentielle ». Il déplore que tout soit tourné vers le Président de la République, les remontées de terrain qui pourraient être adressées à d’autres interlocuteurs, les reproches et les ambitions. « Il est en France bien plus fréquent et bien plus commode de charger le Président actuel ou de se préparer à le devenir que de mettre les mains dans le cambouis du réel et du quotidien. La maladie présidentielle nous tue ». 

Ainsi, il espère plusieurs évolutions comme inverser le calendrier Présidentielles/législatives, revaloriser le Parlement en passant au mode de scrutin proportionnel intégral. Dans son plaidoyer également, des référendums annuels. 

Son regard de Ministre des transports afin de proposer des pistes

Clément Beaune souligne avoir vu de près le problème des services publics lorsqu’il était Ministre des Transports. Pour lui, les trains « Intercités » incarnent ce « symbole du mal français ». Les usagers se sentent délaissés par rapport à ceux du TGV en raison du manque d’investissement sur ces lignes. En renforçant et développant des services de proximité qualitatifs plutôt que certains grands projets, il y aurait selon lui moins de vote aux extrêmes. Il partage ainsi des idées à mettre sur les rails comme le recrutement de soignants étrangers francophones et l’augmentation des effectifs dans plusieurs services publics. 

L’ancien Ministre consacre aussi des chapitres à l’écologie ou encore à la souveraineté de l’Europe et insiste sur la nécessité de mener des politiques écologiques et migratoires à l’échelle européenne. Il partage aussi son avis sur la place du symbole en politique. 

250 pages entre vécu personnel et perspectives.

Je dirai malgré tout que la politique est belle, Clément Beaune, Stock

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A lire également : 5 livres à retrouver chez les libraires en Avril

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5 livres à retrouver chez les libraires en Avril

Nous sommes à la mi-avril, l’occasion de vous proposer une sélection de 5 livres sortis ce mois-ci.

Un chien parmi les loups, Bernard Cazeneuve, L’observatoire- 22 €

Bernard Cazeneuve, ancien Premier Ministre sous François Hollande  livre son analyse de la situation politique en France. Montée des extrêmes, crise agricole et tensions internationales font partie des sujets abordés dans Un chien parmi les loups. Un essai où il propose une autre voie politique autour d’une « gauche républicaine, européenne et réformiste » peut-on lire sur la 4e de couverture.

La Tragédie de l’Elysée. Dans l’enfer des quinquennats Macron, Olivier Beaumont, Robert Laffont – 21 €

Le journaliste Olivier Beaumont s’intéresse à ce qu’il se passe derrière les grilles de l’Elysée. Une plongée dans les quinquennats d’Emmanuel Macron. Il met en lumière les habitudes du Président, le rôle de ses conseillers, des rencontres avec les chefs d’Etat étrangers ou encore le scénario de la dissolution. Un récit « riche en coulisses inédites » nourri de rencontres avec près de 70 témoins de premier plan.

Pour la clarté en politique, entretiens avec Marc Benveniste, Dominique Perben, Auteurs du monde – 17 €

Plusieurs fois nommé à un ministère régalien dans des gouvernements de droite, Dominique Perben a été député et maire pendant plusieurs années. Dans son ouvrage, il pose un « diagnostic acéré » sur « le présent et l’avenir immédiat » de la France indique le résumé. Sous la forme d’un entretien, il répond à plusieurs questions et donne son point de vue sur « la vie locale, ultra-marine, nationale et européenne »

A ma place, Yaël Braun-Pivet, Buchet-Chastel- 22 €

Yaël Braun-Pivet, première femme devenue Présidente de l’Assemblée Nationale publie A ma place. Réélue députée et mère de cinq enfants, elle dévoile son parcours et comment elle est arrivée à trouver sa place.

Puissance publique contre les démolisseurs d’Etat, Emilie Agnoux, Editions de l’aube – 23 €

L’intérêt particulier qui défie l’intérêt général, un modèle social et des services publics fortement critiqués par les Français, voilà le constat dressé par Emilie Agnoux afin de mener sa réflexion.  » L’administration est devenue responsable et coupable de tout, de faire comme de ne pas faire. Comment expliquer et dépasser ce profond malaise ? » est-il indiqué dans le résumé. Haute fonctionnaire territoriale et experte associée à la Fondation Jean Jaurès, l’auteure répond dans son essai tel un plaidoyer.

Des livres à découvrir en librairie !

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Maires, le grand gâchis : le témoignage fort de Camille Pouponneau

Camille Pouponneau est devenue Maire de Pibrac en 2020, commune de 9000 habitants située près de Toulouse. Une fonction que l’élue trentenaire portait à bout de bras avant d’arriver à bout de souffle. Dans Maires, le Grand Gâchis publié chez Robert Laffont, elle parle de son engagement heurté par de multiples contraintes et de l’épuisement la conduisant à renoncer à son mandat.

Depuis les élections municipales de 2020, 2400 maires ont démissionné. Parmi eux, Camille Pouponneau. Ce livre « ne prétend aucunement énoncer une vérité, il est ma vérité » tient à souligner l’auteure dès les premières pages de Maires, le Grand Gâchis. Au travers de son témoignage, l’ancienne édile de Pibrac veut lever le voile sur le quotidien intense et compliqué de ces 35 000 élus en France. Elle brise aussi le tabou sur la santé mentale.

Un engagement impacté par une palette très large d’obstacles

Petite, Camille Pouponneau répondait « Présidente de la République » lorsqu’on lui demandait ce qu’elle voulait faire plus tard. Après des études à Sciences Po, son envie de s’engager pour l’intérêt général s’est d’abord concrétisée en devenant Conseillère Départementale. Puis elle s’est lancée comme candidate aux élections municipales de Pibrac et a battu le Maire sortant. Portée par ses convictions et prête à mettre son énergie au service de sa commune, elle a pris place à l’Hôtel de ville où elle a adopté très vite un rythme soutenu en effectuant 70h par semaine. 

Elle raconte comment le chemin vers chaque décision, chaque projet est jonché d’obstacles.  Nombreuses normes à respecter, dialogue compliqué avec l’Etat en raison de plusieurs interlocuteurs, manque de moyens, intercommunalité au rôle prépondérant, autant de difficultés qu’elle décrit. Et un sentiment apparu au fil des mois : « l’impuissance ». Autre constat de Camille Pouponneau, un intérêt personnel prenant le pas sur l’intérêt général chez les citoyens et comme conséquence directe un vivre-ensemble s’estompant.

« Tout mon quotidien et toute mon organisation étaient réfléchis en intégrant le fait que j’appartenais à tout le monde »

Quand Madame Le Maire efface Camille 

Les responsables politiques en qui les Français ont le plus confiance sont les Maires. Ils entretiennent un lien de proximité avec eux, les rencontrent durant un rendez-vous à l’Hôtel de ville, les croisent lors d’inaugurations, de commémorations ou en faisant les courses. Il n’est pas rare que les habitants continuaient de solliciter Camille Pouponneau par téléphone, par mail, en soirée, pendant les week-ends et les vacances. Des échanges et messages parfois agressifs.

« Tout mon quotidien et toute mon organisation étaient réfléchis en intégrant le fait que j’appartenais à tout le monde » confie Camille Pouponneau dans son livre. Elle indique avoir mis sa carrière professionnelle et sa vie personnelle entre parenthèses « Camille n’existait plus et avait laissé place à Madame Le Maire ». 

Son épuisement psychologique puis une fatigue physique ont chamboulé sa vie. Afin de prendre soin de sa santé, elle ne voyait plus qu’une seule solution, ranger son écharpe. Le 17 octobre 2024, Camille Pouponneau annonçait donc sa démission. Ses lignes, elle les a écrites quelques semaines après avoir quitté ses fonctions. Elle glisse quelques préconisations à la fin de son livre et espère créer une prise de conscience.

Un témoignage saisissant.

Maires, le Grand gâchis, Camille Pouponneau, Robert Laffont 

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A lire également : Les dessous des discours politiques par Mickaël Moreau

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Karine Tuil décortique le pouvoir dans La guerre par d’autres moyens

Le dernier roman de Karine Tuil La guerre par d’autres moyens apparait presque comme une autopsie du pouvoir. L’écrivaine nous parle d’un ancien Président de la République dont l’aura et le prestige se ternissent au fil des mois qui passent.  Politique, cinéma, littérature, couple autant de sujets abordés par l’auteure dans ce livre.

Dan Lehman et la perte de repères

Président, Dan Lehman est battu au second tour de la Présidentielle. Il quitte alors l’Elysée et le pouvoir qui allait avec. Déjà fragile avec un penchant pour l’alcool, il perd petit à petit ses repères. Finalement qui est-il ? Quel est désormais son rôle à jouer ? Il devient terne, non pas transparent mais il ne capte plus la lumière de la même manière. Alors pour se donner le courage d’affronter ces journées fades, il boit. L’alcool rythme ainsi sa vie. 

Une effervescence dans son entourage

De l’autre côté, son entourage caché dans son ombre retrouve un coup de projecteur. Il y a son ex femme d’abord, écrivaine qui va voir sa carrière chamboulée. Sa femme actuelle Hilda, une actrice ne tournant plus retrouve le tapis rouge grâce à coup d’accélérateur. Quand elle renaît artistiquement et personnellement, son binôme lui s’éteint au fil des jours. Finalement ses proches alors dans son ombre se révèlent à mesure que Dan Lehman devient l’ombre de lui-même.

Des passerelles entre politique et arts

Karine Tuil évoque le pouvoir au travers d’un ancien Président de la République. Il est aussi niché dans le monde du cinéma. Un passage montre d’ailleurs une confrontation où les échanges sont tendus et où l’on peut percevoir que le pouvoir passe de l’un à l’autre en une fraction de seconde. Un affrontement d’idées donc comme une « guerre » entre ces deux domaines. La guerre aussi s’immisce entre cinéma et littérature, se voit dans les relations hommes-femmes et éclate dans l’ère post me too.

L’histoire est portée par différents personnages dont les destins se croisent avec toujours en filigrane un pouvoir mouvant, qui grandit ou se délite. Difficile de savoir qui ressort vraiment gagnant(e).

La guerre par d’autres moyens, Karine Tuil, Gallimard

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Gérard Courtois a reçu le Prix du Livre politique 2025

Samedi dernier, la journée du livre politique s’est déroulée à Paris. 4 lauréats ont été récompensés. Le vainqueur du Prix du livre politique est le journaliste Gérard Courtois.

Comme chaque année, la Journée du Livre politique s’est tenue à l’Assemblée Nationale à Paris. Une 34e édition organisée par Lire La politique et l’Assemblée Nationale. 

Des tables rondes

« Les nouveaux repères de la République » était le thème de cette édition. Quatre tables rondes ont été programmées, elles ont réuni des journalistes et élus. Les auteurs politiques ont également échangé avec le public lors de cet évènement porté par Lire La société qui oeuvre en faveur du débat public, de l’éducation et de la transmission.

Gérard Courtois et Patrick Roger 

Samedi vers 12h, les livres finalistes ont été présentés avant l’annonce des deux premiers lauréats de la journée. Pour le Prix du livre politique attribué par un jury de journalistes politiques, présidé en 2025 par Laurence Parisot, le gagnant est Gérard Courtois avec La saga des élections présidentielles. De Charles de Gaulle à Emmanuel Macron (Perrin). Dans cet ouvrage, il parle du « sacre républicain » depuis l’élection au suffrage universel direct avec 11 campagnes scrutées de près.

C’est Patrick Roger qui a été désigné, par un jury composé de députés, lauréat du Prix des Députés pour Nouvelle-Calédonie. La tragédie (Cerf).

Deux prix étudiants

D’autres vainqueurs ont été annoncés en fin d’après-midi. Cette fois-ci, ce sont des étudiant(e)s qui ont pris part au jury.  Michaël Foessel et Etienne Ollion ont reçu le Prix étudiant du livre politique saluant leur ouvrage Une étrange victoire. L’ extrême droite contre la politique (Seuil).

Le prix étudiant de la BD politique est revenu à Maxime de Lisle et Olivier Martin pour On a mangé la Mer. Une enquête au coeur de la crise de la pêche en France (Editions Futuropolis).

A lire également  : Les « sacrés monstres » sous la plume de Roselyne Bachelot

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Les « Sacrés monstres » sous la plume de Roselyne Bachelot

Roselyne Bachelot a publié en octobre dernier Sacrés Monstres ! (Plon). L’ex ministre décrit les personnalités politiques d’aujourd’hui et assure que les monstres ont succédé aux fauves. Raconté avec cette liberté de ton qui la caractérise, son récit décortique les nouveaux rouages le tout avec des anecdotes truculentes. 

Pharmacienne, Roselyne Bachelot s’est imposée aux côtés des cadors de la droite. Ancienne Ministre sous la présidence de Jacques Chirac, elle s’est éclipsée du monde politique après avoir été Ministre dans les gouvernements Fillon. Elle est alors passée des hôtels particuliers occupés par les ministères aux plateaux de télé. Mais après quelques années, retour cette fois-ci comme Ministre de la Culture dans le gouvernement de Jean Castex. Une porte refermée depuis pour Roselyne Bachelot qui partage dans Sacrés Monstres ! son expérience et son analyse sur le climat politique actuel.

Où sont passés les « fauves » ?

« Le code a changé » s’est dit Roselyne Bachelot au moment de sa rencontre avec Emmanuel Macron. Habituée à côtoyer des responsables politiques obéissant à un parcours type, elle s’est étonnée de la nouvelle manière de faire. Parmi les grands fauves qu’elle a croisés,  Jacques Chirac. Parmi les « monstres », Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen et Emmanuel Macron. Des personnalités imprévisibles, aux parcours atypiques.

Un climat modifié

Des changements se sont opérés ces dernières années. Roselyne Bachelot évoque l’utilisation du numérique, la violence symbolique et les donneurs de leçon n’hésitant pas à prendre la parole face caméra sans pour autant être irréprochables. 

De drôles d’anecdotes

En lisant Sacrés Monstres ! on retrouve le propos aigre-doux de Roselyne Bachelot avec une touche d’humour. Elle revient sur des moments qui à la lecture nous font sourire et parfois franchement rire. De drôles de situations avec notamment une histoire de lavabo qui se descelle à l’Assemblée Nationale ! Elle décrit aussi des instants aux côtés de Jacques Chirac, des rencontres surprenantes, et pose son regard sur ces années passées en donnant son avis sans détour.

Sacrés Monstres, Roselyne Bachelot, Plon 

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A lire également : Les dessous des discours politiques par Michaël Moreau