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Mariage quinquennal : tourbillon législatif pour une députée

Il était une fois, une jeune femme et son prince qui se marièrent et vécurent heureux. Stop ! Le roman Mariage quinquennal sort de ces clichés à l’eau de rose tout droit venus des contes de fées. Aurore Balland Pieuchot écrit le quotidien d’une députée qui se voit confier une mission quasi-impossible : mettre fin aux divorces.

Alors que statistiquement, 1 mariage sur 2 termine par une procédure de divorce, Candice, députée hérite d’une lourde tâche à l’Assemblée Nationale. Elle doit trouver un moyen d’empêcher les violences conjugales et les divorces. Autant dire que la situation semble inextricable et la jeune femme s’imagine déjà un destin funeste à la Marie-Antoinette.

Un mariage en CDD ? Effervescence parlementaire et tumulte personnel

Candice se creuse les méninges chaque seconde. Ce projet de loi tourne dans sa tête et elle discute avec une collègue députée, son assistante parlementaire, ses soeurs et ses amies. Elle essaie de puiser dans chaque récit des éléments qui pourraient l’aider dans sa quête. Tandis qu’elle cherche à réduire les divorces, elle se sent paradoxalement épanouie dans son couple avec Bruno et ses enfants. Pas évident donc pour elle et si le vent tournait ? 

Après de longues réflexions sans rien à la clé, une idée lui vient, rendre le mariage temporaire, un CDD. Soulagée, elle va vite être confrontée à de nombreux obstacles tels que le point de vue de sa belle-mère ou des manifestants. Sa loi sera-t-elle couronnée de succès, les réfractaires la remercieront-elle ? Plusieurs rebondissements autour de l’amour, question centrale du roman.

De l’Assemblée aux rencontres locales

C’est l’occasion au travers du personnage de vivre le quotidien d’une élue à l’Assemblée Nationale. Entre son travail parlementaire, ses déplacements dans sa circonscription, les nombreux courriers reçus, les critiques virulentes, c’est énergique. Le mandat empiétant également sur la vie personnelle, source de tensions pour Candice.

Puis, il y a aussi les échanges avec les élus locaux comme avec un maire portant un triple prénom. Une relation courtoise…enfin pas lorsqu’ils se retrouvent à déjeuner ensemble !

Amour, mariage et politique sont donc au menu de ce roman écrit par Aurore Balland-Pieuchot. Une lecture pétillante et qui interroge la notion de mariage.

Mariage quinquennal, Aurore Balland-Pieuchot, Nombre 7- 19 €

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A lire également : Une histoire désopilante dans un Ministère de l’Instruction Nationale

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Une histoire désopilante dans un Ministère de l’Instruction Nationale

En cette rentrée, je vous présente un roman drôle signé Arnaud Cossart. Avec Tulipes or not Tulipes, il nous offre une savoureuse plongée dans le bureau d’un chargé d’études au sein d’un Ministère de l’Instruction Nationale.

Brice du Corton, voici le nom du personnage principal du roman d’Arnaud Cossart. Un jeune chargé d’études qui fait ses premiers pas au Ministère de l’Instruction Nationale et un démarrage sur les chapeaux de roue avec une mission horticole qui va lui donner du fil à retordre.

Un projet U.B.U.E.S.C

Quand Brice du Corton prend ses fonctions, il ne s’attend certainement pas à se retrouver au coeur d’un tourbillon végétal. Son défi ? Piloter un projet de plantation de tulipes par les écoliers de France pour la Fête des Mères. Une mission dont l’acronyme U.B.U.E.S.C donne le ton de cette histoire ! Et des péripéties il va y en avoir, des couloirs du Ministère aux cours d’écoles avec un personnage attachant et une lecture ponctuée de rires !

Une satire politique Rue de Grenelle

Hiérarchie complexe, quête d’une ramette de papier comme bizutage, rédaction épique de notes de service sont décrites par Arnaud Cossart ayant enseigné puis travaillé en Administration centrale. J’ai particulièrement apprécié la réunion organisée avec un président étonnant d’une fondation, le mari de la Présidente et ses conseillers, la Directrice d’un réseau de jardineries et le conseiller d’études. Une ambiance et des échanges truculents. 

Tulipes or not Tulipes tel un To be or not to be, en effet quelle est la place de Brice du Corton dans ce grand Ministère de l’Instruction Nationale ? Il se muera en enquêteur suite à une destruction de bulbes, il y a aussi ses parents hauts en couleur, chut je ne vous en dis pas plus !

Un roman mêlant subtilement politique et humour.

Tulipes or not Tulipes, Arnaud Cossart, Avallon&Co, 20 €

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A lire également : Karine Tuil décortique le pouvoir dans La guerre par d’autres moyens

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Comment comprendre le régime politique de l’Union européenne ?

L’Union européenne, on en entend beaucoup parler mais il n’est pas toujours facile de s’y retrouver parmi ses institutions et son fonctionnement. Si ce sujet vous intéresse, alors un livre est pour vous. Le régime politique de l’Union européenne d’Antonin Cohen paru en 2025 apportera des réponses aux questions que vous vous posez. 

Après la seconde guerre mondiale, l’Union Européenne commence à se dessiner avec notamment le conseil de l’Europe en 1949, la Communauté Européenne du charbon et de l’Acier (CECA) en 1951. D’autres dates ont été marquantes comme le Traité de Rome en 1957. Six pays composaient cette communauté européenne, ils sont aujourd’hui 27.

On entend souvent parler de l’Union Européenne, de sommets entre dirigeants. Des décisions sont prises à l’échelle européenne, des directives votées au Parlement. Mais, les institutions et leur fonctionnement restent flou, on regarde surtout l’UE via l’angle économique ou technocratique et moins comme un projet politique. Cet essai d’Antonin Cohen ponctué de nombreux graphiques vise à nous donner une meilleure compréhension de ce régime politique. 

Percer le brouillard en se penchant sur les institutions et les normes

Dans son ouvrage, Antonin Cohen souhaite répondre à des questions que certains peuvent juger comme « élémentaires » sur les règles du jeu, les rapports de force. « Mais, à la réflexion ces questions sont les meilleures lampes torches pour traverser cet épais brouillard que constituent le jargon et la diatribe » argue-t-il dès les premières pages. 

Il évoque d’abord les institutions dont le Parlement puis le Conseil européen réunissant les chefs d’Etat ou de gouvernement des Etats membres ainsi que le Conseil de l’Union Européenne composé des ministres de ces gouvernements. La Commission européenne et la Cour de justice sont aussi observées de près. L’auteur nous explique les rouages de chaque institution et nous aide à les cerner avec une approche accessible.

Un chapitre consacré aux normes 

« Il n’y a pas que du point de vue des institutions proprement dites que l’UE a connu une évolution importante depuis les années 1950, mais aussi du point de vue de ce que font ces institutions, c’est-à-dire essentiellement des normes juridiques » souligne Antonin Cohen. L’Union européenne compte une vingtaine de traités constitutifs, ceux fondateurs étant jugés « lisibles » quand ceux modificatifs sont « inintelligibles ».

Accords, résolutions et décisions adoptées par les Etats membres au Conseil européen sont aussi d’actualité tout comme le travail parlementaire. Cette partie est plus dense mais on arrive à suivre !

Les élections européennes

Tous les 5 ans, les habitants se rendent aux urnes afin d’élire leurs députés européens. Cependant, la participation diminue d’années en années «  de sorte que le régime politique de l’UE est encore aujourd’hui à la recherche du « peuple européen » » selon l’auteur. On en apprend davantage sur les rapports de force politiques et leur impact.

Qu’en est-il de l’opinion publique ? Des enquêtes Eurobaromètre sont réalisées dans tous les pays membres. « Malgré la faible participation des électeurs et l’intéret relatif des citoyens, les enquêtes Eurobaromètre enregistrent un niveau de soutien relativement élevé à l’UE » indique-t-il. Une opinion qui cache des disparités entre les Etats membres. C’est en France et en Grèce que les ressortissants ont un niveau de défiance le plus élevé. 

Un livre publié dans la collection « Repères » qui nous trace un parcours clair pour s’y retrouver dans le dédale de l’Union Européenne !

Le régime politique de l’Union européenne, Antonin Cohen, Repères,

11 €

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A lire également : La Ve République sous toutes ses coutures

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La Ve République sous toutes ses coutures

Thomas Snégaroff et Anne-Charlène Bezzina signent l’éclairant Ve République, Anatomie d’un Régime en crise (Les Arènes). Leurs analyses combinées aux cartes et infographies sont de vrais phares face à la situation actuelle en France.

Si vous êtes un fidèle de C politique, alors vous connaissez déjà Thomas Snégaroff. Agrégé d’histoire avant de devenir journaliste, il officie désormais sur France Inter et sur France 5. Anne-Charlène Bezzina est quant à elle bien connue des téléspectateurs en tant que constitutionnaliste souvent invitée dans les médias. Deux regards aiguisés donc qui nous aident à mieux comprendre la Ve République aujourd’hui. Dans cet ouvrage également, des cartes et infographies réalisées par Delphine Papin, Légendes Cartographies et Lucie Rondeau.

6 chapitres et 42 questions

La Ve République se retrouve dans un tumulte marqué par une dissolution, une absence de majorité stable, des coalitions qui ne voient pas le jour. Pensé par Charles de Gaulle, ce régime vu comme stable pendant plusieurs années est au coeur de turbulences. Comment a-t-il évolué depuis 1958 ? Quelles crises ont été vécues ? Comment décrire la période actuelle ? Des questions auxquelles répondent les deux auteurs. 6 chapitres passionnants. Le premier sur sa naissance, le second sur le « président monarque », puis quand la gauche est arrivée au pouvoir, la première cohabitation en 1986, la République et l’extrême-droite en 2002. 20 ans plus tard, c’est l’absence de majorité qui interroge sur son fonctionnement.

Pédagogique et accessible

« 8 français sur 10 n’ont connu que la Ve République » est-il directement indiqué au début de cet ouvrage. Alors que les Français sont en faveur d’une transformation des institutions politiques, voilà un livre très utile sur cette constitution. Certains et certaines pensent qu’on en a fait le tour, les deux auteurs eux font le tour de la question. On se rend compte que de 1958 à 2025, de nombreuses crises ont été traversées. « Faut-il pour autant lâcher la proie pour l’ombre et abandonner cette république solide et équilibrée pour un saut dans l’inconnu constitutionnel ? » se demandent Thomas Snégaroff et Anne-Charlène Bezzina. 

Ils misent sur le savoir afin de nous donner des clés de compréhension. Une démarche réussie, pédagogique et accessible. Un ton agréable, une réflexion liée à la chronologie. Un livre qui dès les premières pages nous confirme que sa place devait en effet rejoindre la bibliothèque ! 

Ve République, Anatomie d’un régime en crise, Thomas Snégaroff, Anne-Charlène Bezzina, Les Arènes, 17 €

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A lire également : La ville, moteur du sursaut politique ?

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Les Think tanks décryptés par Marc Patard

Très connectés au monde politique, les think tanks, lieux où la réflexion fait loi dans les politiques publiques restent difficile à cerner. Quels sont ces espaces de pensées à la forte influence ? Qui sont les experts menant des travaux ? Marc Patard, conférencier et enseignant à la faculté de droit d’Orléans nous apporte un éclairage salvateur avec Les Think Tanks (Que sais-je ?)

Mystérieux, influents…les think tanks sont des structures dont il n’est pas évident de comprendre les mécanismes. Acteurs majeurs du débat public, ils gravitent proches des hommes et femmes politiques. Que se cache-t-il derrière ce terme anglais ? Quelles sont leurs spécificités, quel poids pèsent-t-ils aujourd’hui ? Marc Patard a publié en février un brillant essai richement documenté.

Outre-Manche et Outre-Atlantique

Pour partir sur les traces des think tanks,  il faut regarder du côté de Londres où le premier « officiellement » reconnu est né en 1884. Plus tard en 1959, des structures similaires sont apparues à Palo Alto en Californie. Puis, l’idée est arrivée en France en 1979. Différentes périodes, différents contextes, et donc diverses approches chez les observateurs.

Un « objet politique faiblement identifié »

Au croisement des mondes académique, politique, économique et social, le think tank est difficile à appréhender. Souvent, celles et ceux qui ont tenté d’en capturer l’essence sont issus de ce milieu. Peu de travaux et articles et un travail d’analyse minutieux à effectuer. Marc Patard s’est lancé dans cette aventure ! « Objectiver ce phénomène des think tanks n’est pas chose aisée, tant [ils] constituent un ensemble hétérogène » explique-t-il.

Quelle définition donner ?

Le think tank construit des argumentaires au travers de débats et de travaux d’experts afin de transmettre des éléments nourrissant la décision publique 

Est-ce un lobbying ? Il faut le distinguer car il ne roule pas pour des intérêts privés avec relation marchande. mais alors qui est-il ? Une activité politique ? Un labo d’idées ? Marc Patard propose de le définir comme « institut d’ingénierie politique » après avoir expliqué ses missions et montrer ses particularités.

Des nouveaux politiques ?

Bien qu’ils n’œuvrent pas dans un parti politique, les think tankers peuvent venir du monde politique, on peut penser à Jean-Marc Ayrault à la Fondation Jean Jaurès. D’autres veulent avoir un pied dans ce milieu et par une stratégie de contournement tiennent un rôle de premier plan dans les politiques publiques en basant leur engagement sur la réflexion et la proposition d’idées. Pour ce personnel « Ici, on est dans un rapport d’extériorité par rapport à la chose publique..c’est-à-dire qu’on est dedans…mais on est aussi dehors…on propose mais on ne rentre pas dedans » confie un think tanker montrant ainsi une « ambiguïté » dans le positionnement pour Marc Patard.

Légitimité, financements, crédibilité sont des enjeux auxquels ces structures à l’influence importante dans la démocratie sont confrontées. Je vous recommande vivement cet ouvrage pour mieux comprendre ce qui s’y joue à l’intérieur si comme moi vous souhaitiez en savoir plus sur les think tanks  !

Les Think Tanks, Marc Patard, Que sais-Je ?, 10 €

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A lire également : Les villes, moteur du sursaut politique ?

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Ministère de l’intérieur : quand la « voix officielle » s’exprime

Au travers du récit immersif de Camille Chaize, on se glisse dans les habits de porte-parole au Ministère de l’intérieur. Un rythme effréné, des prises de parole scrutées de près, de nombreux déplacements et une proximité avec le monde politique. Un point de vue rare sur cette fonction illustré par Mathieu Sapin.

Camille Chaize a été porte-parole du Ministère de l’Intérieur pendant 5 ans. Elle a décidé de faire ses cartons au moment des législatives anticipées de 2024 et a démissionné en janvier 2025. En quoi son rôle a-t-il consisté à Beauvau ? Elle nous révèle son quotidien et nous livre également ses réflexions. Le tout, agrémenté d’illustrations signées Mathieu Sapin.

S’exprimer : Le poids des mots, l’équilibre d’une funambule

Camille Chaize a le sens de l’engagement. D’abord sapeur-pompier réserviste, elle est reçue ensuite à l’école des commissaires de police. Elle fait ses armes au sein du service communication de la police nationale. En 2019, elle franchit le portail du Ministère de l’intérieur. Elle y restera 5 ans comme voix officielle, la première femme à ce poste et la première qui n’est pas journaliste.

Ce livre est comme un « carnet de voyage » lui permettant de se retrouver après ce tourbillon où elle a eu la sensation d’être « composée de différentes pièces telle une mosaïque » confie-t-elle. A la lecture, on se rend vite compte de la difficulté de la tâche. Devenir porte-parole, c’est apprendre à jongler entre l’institutionnel et le monde politique. S’exprimer, éclairer, « maintenir la confiance entre l’Etat et les citoyens » en cherchant les bons mots, la nuance. Tous les jours, c’est être au confluent de l’administration et la politique. Elle explique avoir mis toute son énergie dans ce rôle exercé sous l’autorité d’un Ministre : Christophe Castaner, Gérald Darmanin puis Bruno Retailleau.

Elle est intervenue à la télévision, à la radio, sur les réseaux sociaux, a accompagné des journalistes durant des manifestations au plus près des forces de l’ordre ou s’est déplacée à Marseille pour la venue du pape ou lors d’actions liées à l’immigration.

Quel travail aux côtés de personnalités politiques ?

Son premier entretien s’est déroulé avec Christophe Castaner. Camille Chaize dit qu’il lui a fixé deux objectifs « Transparence et vérité ». 15 jours après sa nomination, Gérald Darmanin l’a reçue en entretien afin de lui demander notamment de réaliser des « vidéos percutantes » pour expliquer des actions ou des éléments importants aux Françaises et Français. Une question lui trotte en tête à ce moment, comment exister « dans l’ombre d’une personnalité aussi médiatique » ? se remémore-t-elle.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la porte-parole ne voit pas tous les jours le Ministre afin de faire un point, il est davantage avec ses conseillers. Elle participe à quelques réunions en sa présence, échange parfois des messages. Camille Chaize distingue leurs deux rôles. Le sien fondé sur des éléments afin que chacun se forge sa propre opinion. Le politique selon elle va « chercher à convaincre. »

Travailler au même endroit ne veut pas toujours dire être d’accord. « Les fonctionnaires nous sommes des non-alignés de la politique ». Elle parle plutôt de complémentarité. Deux habitudes l’ont particulièrement dérangée, celle d’une prise de parole ministérielle instantanée suite à un évènement et l’utilisation des « éléments de langage ». Sur cette problématique, elle dit s’être écartée de certains argumentaires préparés à l’avance et repris partout, un détachement salué selon elle par le cabinet. Un soutien qu’elle assure avoir aussi obtenu lorsque sa réaction dans les médias n’a pas plu à un syndicat de police. Elle considère que les personnalités politiques peuvent prendre plus en compte la réalité que l’administration sur certains sujets.

Et un planning chamboulé régulièrement, avec des interventions programmées au dernier moment en fonction de l’actualité : Covid, émeutes,…et des repas en famille ou entre amis qui n’iront pas jusqu’au dessert. De nombreux voyages aussi, et pas toujours accompagnée par le Ministre et ses conseillers. Une nage en eau vive donc.

Quand son expérience nourrit ses réflexions 

Camille Chaize puise aussi dans son expérience afin de partager des réflexions sur diverses thématiques. La féminisation de la police et de la gendarmerie y est évoquée. Même si elle y voit des avancées, elle constate que du chemin reste à parcourir particulièrement sur la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. 

En 2022, le périmètre du Ministère de l’Intérieur a été élargi aux Outre-Mer. Elle s’est donc rendue en Guyane, en Guadeloupe, à Mayotte ou encore à Saint-Pierre-et-Miquelon. Elle y observe que ce sont les premiers territoires français a être fortement impactés par le changement climatique. 

Elle consacre plusieurs pages aux Préfets. Elle les a notamment conseillés, les aidant dans leur communication. « L’impartialité et l’apolitisme des préfets sont essentiels. Ils ont la neutralité de l’Etat qui rassemble pour régler les différends […] En faire des sujets politiques, constituerait un grand danger démocratique qui sonnerait le glas de l’intérêt général qui les guide actuellement » argue-t-elle.

L’instabilité politique l’a incitée à démissionner. Après les élections européennes, et l’annonce de la dissolution, elle se prépare à partir car si le RN arrive au pouvoir elle ne se voit pas continuer. Cela ne s’est pas produit mais elle a quand même quitté Beauvau. Elle s’interroge sur les changements que cela produirait dans son administration.

Camille Chaize nous dévoile une autre facette du Ministère de l’Intérieur en retraçant son parcours en tant que porte-parole. Une fonction médiatique et restant pourtant dans l’ombre. A conseiller à celles et ceux souhaitant en savoir plus sur ce rôle moins connu !

A lire également  : Livres sortis en mai/juin

Porte-parole. Réflexions personnelles de la voix officielle du Ministère de l’Intérieur. Camille Chaize, dessins de Mathieu Sapin, Editions Novice, 22,90 €

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Châteaux de la République : Le trousseau de clés de Fabien Opperman 

Elysée, Lanterne, Fort-Brégançon sont les résidences officielles de la Présidence de la République, discrètes mais bien connues. D’autres « châteaux » jouent ou ont joué un rôle important. Fabien Opperman nous donne les clés de ces lieux avec son ouvrage sorti en 2019 Dans les châteaux de la République. le pouvoir à l’abri des regards  (Tallandier).

Parmi les résidences de la République, il existe bien entendu l’Elysée, palais référence en matière de pouvoir en France. Le Fort-Brégançon ou la Lanterne sont d’autres sites dont on entend parler. Le saviez-vous ? Certains « châteaux » sont aussi mis à disposition du Premier Ministre et du Ministre des Affaires Etrangères. Des résidences sont toujours utilisées, d’autres ont disparu du « catalogue ». Fabien Opperman nous fait franchir leur seuil au travers de descriptions et d’informations en s’appuyant sur des archives inédites et plusieurs témoignages. On déambule ainsi dans des endroits privilégiés où se jouent des épisodes marquants et moments privés.

Du faste à la désuétude

Nombreuses sont les résidences liées à la République et à des figures politiques. Leur nombre a évolué au fil des décennies. Commençons  par Versailles et plus précisément par le Grand Trianon et l’aile Trianon-sous-bois. Depuis la naissance de la République, des figures politiques ont investi ce décor royal. De Gaulle a notamment marqué de son empreinte ce lieu avec une restauration du Grand Trianon. Il a été d’abord délaissé en 1999 suite à la décision de Jacques Chirac puis abandonné sous Nicolas Sarkozy ayant confié la gestion à l’Etablissement public du Château de Versailles. Tout près, La Lanterne, qui elle est toujours d’actualité et où séjournent les Présidents de la République depuis 2007 tout comme la Fort-Brégançon dans le sud de la France.

Continuons la visite avec comme guide l’historien Fabien Opperman. Direction Rambouillet où se rendaient les Présidents l’été du XXe siècle jusqu’aux années 50. Son nom n’est aujourd’hui plus mentionné. Marly, un pavillon de chasse a quant à lui été rattaché à l’Etablissement public du musée et du Château de Versailles. Plusieurs résidences ont été données à l’Etat comme Champs-sur-Marne et Souzy-la-Briche. Le premier était devenu un incontournable où logeaient les chefs d’Etat africains en visite en France dès les années 60. 10 ans plus tard, il a été restitué au Ministère de la Culture. Nicolas Sarkozy a souhaité céder le second mais les dispositions testamentaires des époux Simon interdisaient un autre usage que résidentiel. 

J’ai découvert avec ce livre, Vizille. Le Président Doumergue s’y est installé en 1925 en été. « En décembre 1971, une loi de finances autorise l’Etat à céder gratuitement le Château au Département de l’Isère » nous apprend l’auteur.

En revanche, une autre résidence continue de voir les voitures arriver. Elle est rattachée au Quai d’Orsay. Le Ministre des Affaires étrangères dispose d’un pavillon à la Celle-Saint-Cloud.

On constate donc que certaines autrefois au premier plan sont tombées en désuétude.

Pouvoir, diplomatie, villégiature

Ces résidences ont été plébiscitées pour diverses occasions. Des hauts-lieux de pouvoir marqués par la diplomatie. Cela reste vrai sous les mandats d’Emmanuel Macron, car le Château de Versailles par exemple s’est transformé en salle de réception lors de la visite officielle de Charles III en France et le sommet Choose France s’y est de nouveau tenu il y a quelques semaines. Le Grand Trianon a été rénové sous le Général de Gaulle afin d’y recevoir les chefs d’Etat étrangers. François Mitterrand y a aussi organisé le sommet du G7. 

A Rambouillet s’est déroulé un G6 en 1975 durant le mandat de  Valéry Giscard d’Estaing. On l’a vu plus tôt, Champs-sur-Marne était aussi pensé comme un lieu diplomatique. La Celle-Saint-Cloud a été transformé en outil diplomatique et culturel par Laurent Fabius. Une dynamique arrêtée par Jean-Marc Ayrault. Depuis 2017, Emmanuel Macron y a organisé deux temps d’échange importants.

Rambouillet Marly et Chambord ont été les théâtres de parties de chasse. Jacques Chirac a supprimé les chasses présidentielles de Marly et Rambouillet. Souzy-la-Briche, le nom vous dit peut-être quelque chose ? Il a abrité la vie secrète de François Mitterrand ! Auparavant à la disposition du Président de la République, il a été attribué aux Premiers Ministres. Jean-Marc Ayrault y est venu quelques fois tout comme Bernard Cazeneuve. Vizille était aussi un lieu de villégiature mais qui n’a pas su convaincre les Présidents.

J’ai beaucoup aimé cette flânerie historique dans ces résidences où pouvoir, diplomatie et intrigues s’entremêlent. 

Dans les Châteaux de la République, le pouvoir à l’abri des regards, Fabien Opperman, Tallandier, 20,90 €

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La ville, moteur du sursaut politique ?

Dorian Dreuil et Marinette Valiergue, sont experts à la Fondation Jean Jaurès, un laboratoire d’idées axé sur le progrès et la démocratie dans le monde. Ils viennent de publier à la mi-mai Les villes, nouvelles fabriques démocratiques ? (L’Aube). 

En France, élections après élections, la participation des Français est en berne. Sauf en 2024, en effet les législatives ont incité les électeurs à se rendre aux urnes, un regain jamais vu depuis 1997. Petite éclaircie dans un climat de « défiance politique » qui s’est installé. Comment relancer l’engagement des citoyens ? Et si la solution venait des collectivités locales ? Cet ouvrage se penche sur la question et nous propose d’observer diverses initiatives pouvant devenir selon les auteurs des solutions face à ce défi.

Les villes pionnières en innovations démocratiques

« 78 % des Français estiment que « la démocratie ne fonctionne pas bien »» rappellent les auteurs en reprenant les chiffres de la 12e édition de l’enquête Fractures Françaises (Ipsos pour le Monde, la Fondation Jean Jaurès, le Cevipof et l’Institut Montaigne, novembre 2024). Un constat visible au niveau national mais aussi à l’échelon local. « La fièvre de la « démo-anxiété » gagne peu à peu les conseils municipaux » soulignent-ils. Les données sont édifiantes, depuis les municipales de 2020, 2400 maires ont démissionné et près de 57 000 sièges de conseillers municipaux restent vacants. Dorian Dreuil et Marinette Valiergue voient les prochaines élections municipales de 2026 comme une possible porte d’entrée vers un sursaut politique. 

Cette affirmation découle d’observations et d’analyses montrant que les villes ont toujours été innovantes. « La conviction qui forge ce livre est que si les villes ont inventé la démocratie alors c’est de là que la démocratie peut renaître » arguent-ils.

Trois chantiers à rénover

Dorian Dreuil et Marinette Valiergue déroulent leur réflexion au travers de trois chapitres identifiant des chantiers à mener. Ils concernent les élections  (listes citoyennes,…), la participation (budget participatif, votations,…) et la délibération (assemblées citoyennes,…). 

Les deux auteurs évoquent les points forts et les obstacles rencontrés aujourd’hui. Ils présentent des exemples dans la drôme, à Rennes, à Paris mais aussi dans le monde. Ainsi, nous voyons également des idées mises en place dans des villes aux Etats-Unis, en Norvège ou encore en Belgique. 

Leur ouvrage se veut tel une boîte à outils dans laquelle piocher pour renforcer le lien entre élus et citoyens. Un livre enrichissant et facile à lire.

Les villes, nouvelles fabriques démocratiques ? Dorian Dreuil, Marinette Valiergue, Editions de l’Aube, 6,90 €

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Quinquennats Macron : L’Elysée, entre labyrinthe et phénomène de cour

Olivier Beaumont, journaliste au Parisien- Aujourd’hui en France livre une boussole face au dédale qu’est le Palais de l’Elysée. Sa manière d’observer les mandats d’Emmanuel Macron au travers des pièces est le fruit d’un travail d’un an et demi. Son enquête, La Tragédie de l’Elysée. Dans l’enfer des quinquennats Macron,(Robert Laffont) regorge d’anecdotes inédites recueillies auprès de 70 témoins environ dans un contexte politique plus que perturbé entre dissolution et changements de Premiers ministres.

365, c’est le nombre de pièces structurant le palais de l’Elysée. Soit autant que celui des jours dans l’année et on peut dire que le rapport au temps est très lié aux quinquennats d’Emmanuel Macron. Le Président de la République surnommé « le maître des horloges » a disposé dans son bureau un sablier millénaire et souvent une petite horloge amenée de salon en salon précède son entrée. Dans ce lieu donc, un tic tac qui s’affole souvent au moment de traverser des crises notamment les élections européennes et les législatives anticipées ainsi que l’instabilité « Matignon » avec une succession de Premiers Ministres ces derniers mois.

Une fourmilière isolée

L’ Elysée conduit à un isolement souligne Olivier Beaumont. La première explication tient de l’architecture. Une surface de 11 000 m2, un nombre de pièces impressionnant dans le bâtiment principal et deux ailes « Est » et « Ouest ». Des couloirs, des escaliers, nombreux bureaux dédiés aux conseillers, en clair un vrai labyrinthe. Emmanuel Macron dispose de deux bureaux, le premier officiel dans le salon doré, le second installé dans le salon d’angle pour le travail au quotidien. Tout le monde s’affaire «chacun dans son bureau, chacun dans son couloir » entraînant parfois un sentiment de « maison fantôme » comme le décrit un ancien conseiller. 

En ouvrant les fenêtres, il est quasiment impossible d’entendre les bruits de la ville, pourtant l’ancien hôtel d’Evreux est situé dans un quartier très animé de Paris à quelques mètres des champs-Elysées ! Une évolution dans des murs tricentenaires conduisant à un sentiment chez les observateurs d’une perte de contact avec l’extérieur. « Les français ne voient pas tout ce que j’ai fait pour eux. Ils ne m’aiment plus… » confie lui-même un jour devant un ami Emmanuel Macron. 

Un théâtre du pouvoir et des courtisans

Dans ce livre, une déambulation dans les quinquennats Macron au fil des pièces. Le Salon des ambassadeurs notamment où le conseil des ministres se tient chaque mercredi. On apprend que des brouilleurs de téléphones ont été installés par le locataire actuel afin de conserver les secrets de ce rendez-vous hebdomadaire. Malgré ce dispositif, des petites phrases lâchées par des participants finissent souvent dans la presse. Le palais de l’Elysée est donc une forteresse avec quelques fissures dans les murs ! 

Olivier Beaumont revient également sur la dissolution préparée en amont et non improvisée au soir des résultats des élections européennes. Tout était prêt, un Plan nommé « Clisthène » avait vu le jour secrètement, il visait à prévoir la narration de cette décision. Pour les Législatives anticipées, une bannière « Fédérations » était même envisagée réunissant les centristes et des élus de droite, rapidement abandonnée. D’autres discussions parfois tendues s’y sont aussi déroulées comme celles sur la loi immigration et la réforme des retraites. 

L’ Elysée laisse aussi vivre un phénomène de cour. Emmanuel Macron se trouvant au 1er étage, il faut donc emprunter les escaliers, une ascension vers le Président. De nombreuses personnes gravitent autour de lui et les regards convergent aussi vers le chef d’Etat. Certains bureaux de collaborateurs donnent sur la cour où chaque déplacement est scruté car c’est le seul endroit où ils peuvent apercevoir Emmanuel Macron, en effet ils le croisent rarement au quotidien. De plus, afin d’accéder à son bureau, il faut passer par celui du Secrétaire Général de l’Élysée qui était il y a encore peu de temps Alexis Kohler. Un vrai barrage à franchir. Alors la vie s’organise autour de la cour. On y voit les futures évictions et les adoubements. Un exemple ? Lorsqu’un conseiller auparavant convié dans la voiture du Président ne s’y installe plus, un signe que son départ est prochain ! 

Cet ouvrage se penche aussi sur le rôle de Bruno Roger Petit, conseiller mémoire et son influence dans l’aile Madame. Olivier Beaumont nous donne à voir un autre portrait d’Emmanuel Macron. Il dévoile plusieurs anecdotes jamais lues ailleurs, sur son côté épicurien, sur son travail, ses relations avec les Premiers Ministres. Une lecture que je recommande si on veut prendre le pouls du Palais de l’Elysée sous l’ère Macron.

La tragédie de l’Elysée. Dans l’enfer des Quinquennats Macron, Robert Laffont, 21 €

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A lire également : Un essai passionnant sur la notion de « présidentiable »

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Une plongée au Quai d’Orsay, Ministère des Affaires étrangères

[Chronique en différé] C’est d’un ouvrage sorti en 2016 dont j’ai eu envie de vous parler aujourd’hui. Il s’agit de La Face cachée du Quai d’Orsay écrit par Vincent Jauvert. Une enquête fascinante sur ce haut lieu de la diplomatie française.

Le livre est sorti il y a près de 10 ans mais dans ce contexte international chamboulé, j’ai souhaité vous partager une enquête réalisée par le journaliste Vincent Jauvert. Son ouvrage La Face cachée du Quai d’Orsay. Enquête sur un ministère à la dérive (Robert Laffont) nous permet d’arpenter les couloirs de ce Ministère des Affaires étrangères installé à cette adresse depuis la moitié du XIXe siècle. En parcourant les pages, l’auteur nous dévoile aussi le travail et la manière de le faire des ministres qui se sont succédé sans oublier le quotidien des ambassadeurs.

Près de 25 Ministres des affaires étrangères sous la Ve République

Vincent Jauvert s’est appuyé sur les témoignages d’une centaine de diplomates qui étaient en activité ou à la retraite. Ce travail s’est déroulé au moment où Laurent Fabius occupait les lieux en tant que Ministre des Affaires étrangères. A lire 10 ans après avec un peu de recul donc où désormais le nombre de Ministre des Affaires étrangères s’élève à environ 25. Seulement deux femmes ont accédé à cette fonction : Michèle Alliot-Marie et Catherine Colonna.

On croise dans ce livre, Dominique de Villepin, Hubert Védrine, Philippe Douste-Blazy ou encore Bernard Kouchner. Dans son enquête, le journaliste révèle que trois ministres du XXIe siècle ont eu des « bourdes à répétition ». Parmi les exemples cités, confondre deux pays, être un « ministre à contretemps » ou enchaîner les maladresses faisant « soupirer les diplomates » Les relations avec le Président de la République et les nominations sont aussi abordées, entre tensions et désintérêt parfois.

Des révélations sur le quotidien d’ ambassadeurs

C’est aussi l’occasion de voir de plus près le travail des ambassadeurs, de leurs équipes. Secrets, anecdotes, scandales, logements, rémunérations sont évoqués. Vincent Jauvert se penche aussi sur une « poignée de diplomates » se retrouvant régulièrement près du Quai d’Orsay, des énarques à l’« influence bureaucratique » fluctuante. 

Tous les ministres « de Juppé en 1993 à Fabius en 2015 » ont souhaité redynamisé le Quai D’Orsay avec chacun une grande réforme. On referme ce livre sous le quinquennat de François Hollande. Plusieurs années se sont écoulées, même si l’enquête n’est pas sortie récemment, elle reste une manière de plonger dans les coulisses de ce lieu de pouvoir !

La Face cachée du quai d’Orsay, Vincent Jaubert, Robert Laffont

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Photo : Chapitre politique