Catégories
Chroniques Romans

Gilles Boyer : Matignon par le regard d’un Maître d’hôtel

Gilles Boyer connaît bien l’Hôtel de Matignon où il a été conseiller d’Édouard Philippe de 2017 à 2019. Député Européen, il est aussi auteur et a publié plusieurs ouvrages dont Dans l’ombre écrit avec l’ancien Premier Ministre, un livre adapté récemment en série diffusée sur France TV. Il a signé en 2019 Le maître d’hôtel de Matignon.

Un mélange subtil de fiction et de réalité

Son point de départ est sa rencontre avec Claude, Maître d’Hôtel de Matignon. À l’approche de la retraite il s’est confié sur son expérience et ses rencontres auprès de Gilles Boyer. L’auteur a conservé son prénom mais modifié son nom et écrit un roman axé sur ce personnage ayant connu 13 Premiers Ministres. «  Le récit que je fais de sa vie est très librement inspiré de la sienne. Merci à lui d’avoir pris le temps de me la raconter » souligne l’écrivain dès les premières pages.

La réalité et l’imagination car le second protagoniste Thomas n’existe pas…enfin il s’agit d’un conseiller novice du chef de gouvernement donc son travail est bien connu de Gilles Boyer. Thomas a foulé enfant la pelouse de cet hôtel particulier situé rue de Varenne, lieu de travail de son père, conseiller. Quelques années plus tard, c’est lui qui se retrouve embarqué dans ce rythme effréné.

Une ruche derrière le célèbre perron

À chaque passation de pouvoir, on a l’habitude de voir la cour, les micros et le célèbre escalier de Matignon. En revanche, que s’y passe-t-il ? Ce roman nous permet de ressentir l’atmosphère et c’est une véritable ruche qui se cache derrière les portes. Un ballet de personnages offre une chorégraphie hiérarchisée autour du Premier Ministre. 

Intendant, Premier Maître d’hôtel , maîtres d’hôtel, chefs de rang, Directeur de cabinet, conseillers entrent chaque jour dans la danse. Chacun a un rôle précis à jouer.

S’approcher des Premiers Ministres

Tout au long du roman, par l’expérience de Claude et l’entrée de Thomas, on accède à une visite teintée d’intrigues et de secrets. La fameuse plantation d’arbre de chaque célèbre locataire est décrite. On découvre aussi que Claude observe l’histoire politique en arrière-plan tout en étant une personnalité centrale de ce lieu de pouvoir. Plusieurs Premiers Ministres se retrouvent au fil des pages comme Rocard, Cresson ou Balladur.

Outre ses fonctions attendues, il s’occupe aussi des proches du Premier Ministre surnommé dans ce roman le «  Pacha » comme le capitaine d’un grand bateau, en écho au passage dans la Marine de Claude.  Une fonction assurée dans la discrétion et millimétrée que l’on a plaisir à découvrir au travers de ce livre.

Le Maître d’Hôtel de Matignon, Gilles Boyer, J-C Lattès

Photo : Chapitre politique

A lire également : Pour Clément Beaune, la politique reste « belle »

Catégories
Chroniques Romans

Karine Tuil décortique le pouvoir dans La guerre par d’autres moyens

Le dernier roman de Karine Tuil La guerre par d’autres moyens apparait presque comme une autopsie du pouvoir. L’écrivaine nous parle d’un ancien Président de la République dont l’aura et le prestige se ternissent au fil des mois qui passent.  Politique, cinéma, littérature, couple autant de sujets abordés par l’auteure dans ce livre.

Dan Lehman et la perte de repères

Président, Dan Lehman est battu au second tour de la Présidentielle. Il quitte alors l’Elysée et le pouvoir qui allait avec. Déjà fragile avec un penchant pour l’alcool, il perd petit à petit ses repères. Finalement qui est-il ? Quel est désormais son rôle à jouer ? Il devient terne, non pas transparent mais il ne capte plus la lumière de la même manière. Alors pour se donner le courage d’affronter ces journées fades, il boit. L’alcool rythme ainsi sa vie. 

Une effervescence dans son entourage

De l’autre côté, son entourage caché dans son ombre retrouve un coup de projecteur. Il y a son ex femme d’abord, écrivaine qui va voir sa carrière chamboulée. Sa femme actuelle Hilda, une actrice ne tournant plus retrouve le tapis rouge grâce à coup d’accélérateur. Quand elle renaît artistiquement et personnellement, son binôme lui s’éteint au fil des jours. Finalement ses proches alors dans son ombre se révèlent à mesure que Dan Lehman devient l’ombre de lui-même.

Des passerelles entre politique et arts

Karine Tuil évoque le pouvoir au travers d’un ancien Président de la République. Il est aussi niché dans le monde du cinéma. Un passage montre d’ailleurs une confrontation où les échanges sont tendus et où l’on peut percevoir que le pouvoir passe de l’un à l’autre en une fraction de seconde. Un affrontement d’idées donc comme une « guerre » entre ces deux domaines. La guerre aussi s’immisce entre cinéma et littérature, se voit dans les relations hommes-femmes et éclate dans l’ère post me too.

L’histoire est portée par différents personnages dont les destins se croisent avec toujours en filigrane un pouvoir mouvant, qui grandit ou se délite. Difficile de savoir qui ressort vraiment gagnant(e).

La guerre par d’autres moyens, Karine Tuil, Gallimard

Photo : Chapitre politique